Chantal Thomass, un chant fatal ?
A en croire Gonzague Saint Bris, la lingerie féminine serait apparue grâce à Agnès Sorel, maîtresse du roi de France. Aimée puis rejetée, adulée à nouveau, elle est, de nos jours, la spécialité de la styliste Chantal Thomass. Echange au cœur d’un boudoir parisien…
Madame Thomass, quel est le rapport entre vous, prêtresse des dessous, et l’écrivain Gonzague Saint Bris ?
Nous avons été réunis autour d’un livre ou, plus exactement, d’un recueil de nouvelles, Plumes & Dentelles. Il s’agissait d’un projet pour lequel j’ai sollicité plusieurs auteurs, hommes ou femmes. Gonzague, comme ses confrères, a été invité à composer un texte à partir de l’une de mes parures.
Le résultat a-t ’il répondu à vos attentes ?
Oui, bien sûr mais les écritures féminines sont parfois surprenantes car la lingerie, dans ces récits, est surtout conçue comme accessoire de séduction et non pas pour ce qu’elle est vraiment : un vêtement qui embellit la femme et qu’elle devrait s’approprier aussi pour son propre plaisir. Porter un dessous élégant change l’attitude, on ne marche pas de la même façon car on se sent bien. Une femme doit être sexy, pas forcément pour séduire, mais pour elle-même.
Comment vous vient votre inspiration ?
Je trouve souvent un détail dans les magazines anciens ou un tissu aux Puces. Les corsets du XVIIIème me parlent aussi. Mais un roman romantique peut m’inspirer également, des films comme The Artist ou Pretty Woman, des expositions : celle de Jean-Paul Goude dernièrement aux Arts Déco (1) ou celles proposée, l’an dernier, sur Casanova par la BNF (2) et sur Madame Grès par le musée Bourdelle. En fait, j’emmagasine des images dans mon subconscient et, à un moment, elles ressortent. J’ai toujours un œil qui traîne. De temps en temps, je vois un détail qui me plaît et qui reste gravé…
Pour porter votre lingerie avez-vous des égéries ?
J’aime plusieurs styles de beauté : Monica Bellucci, Lauren Bacall, Ava Gardner, Marion Cotillard, Dita Von Teese. Les modèles doivent surtout « avoir l’âme glamour ».
Vous avez défini l’esprit de votre collection printemps-été 2012 en faisant référence aux années 30 et 50 « saupoudrées de nervosité contemporaine ». Expliquez-nous…
Je pensais aux matières. La modernité de la lingerie actuelle réside dans les matériaux utilisés qui la rendent à la fois confortable, agréable à porter et séduisante.
En tant que créatrice, vous sentez-vous attirée par d’autres univers et auriez-vous envie de vous lancer dans des projets originaux comme Louboutin, par exemple, partageant l’aventure du Crazy Horse ?
Pourquoi pas ? Je le ferai sans doute, un jour. J’ai déjà tenté la décoration en imaginant deux suites à l’hôtel Le Pradey. Cela enrichit de toucher à d’autres domaines.
Concernant l’art contemporain, les artistes qui me séduisent en ce moment sont Rupert Shrive ou Julien Opi. Je vais souvent à la biennale. Ce que j’y vois m’inspire.
On vous a baptisée « reine de la séduction fatale ». Vous reconnaissez-vous dans cette appellation ?
Mon travail commence et finit avec l’éveil de la sensualité et la recherche de la séduction. Après, ce n’est plus mon champ d’activité mais celui des couples qui s’inventent leur propre histoire autour de ma lingerie …
En définitive, entrer dans l’univers de Chantal Thomass c’est l’occasion de découvrir « un certain imaginaire fantasmé »…
(1) Musée des Arts Décoratifs de Paris
(2) Bibliothèque Nationale de France
Cette interview de dirigeant dont Clothilde Monat est l’auteur, a été publiée en mars 2012.